Regard sur 2024

Avec Marc Gagnon, nous allons examiner les changements qui se profilent à l'horizon dans le monde de l'investissement et de l'économie et vous donner un aperçu de ce à quoi vous pouvez vous attendre en 2024.

Ashleay : Bonjour et bienvenue au balado À vos intérêts! Aujourd'hui, Sébastien et moi-même, Ashleay, nous avons avec nous Marc Gagnon, gestionnaire de portefeuilles principal, Actions nord-américaines et on vous propose de tourner un regard vers 2024 et de partager avec vous ce que nos boules de cristal suggèrent pour l'année à venir. Est-ce que l'année qui débute sera favorable aux investisseurs ou est-ce qu'on va ressentir encore les contrecoups des hausses du marché et des taux d'intérêt lancés en 2022? Alors bonjour, messieurs.

Sébastien : Salut, Ashleay. Salut, Marc.

Marc : Bonjour, Ashleay. Bonjour, Sébastien.

Ashleay : Alors si on regarde devant nous, on va jouer au jeu des prévisions. Alors à tour de rôle, mettons, si on commence avec Marc, puisque tu es notre invité, qu'est-ce qui selon toi marquera l'actualité économique et financière en 2024?

Marc : Je crois que, et je suis à peu près certain que mon collègue Sébastien va être de mon avis là-dessus, ça va être de voir quand les banques centrales vont faire leur fameux pivot, qu'on peut définir par la baisse des taux d'intérêt à court terme. Je crois que ça va être un moment important, un moment charnière pour l'économie puis pour les marchés financiers. C'est sûr que les marchés financiers vont s'efforcer de l'anticiper, mais malgré tout, ça va être un moment important. Mais avant, je pense qu'il va falloir voir aussi jusqu'où les banques centrales vont nous laisser aller sur le chemin d'une récession au Canada et aux États-Unis. Je suis plutôt d'avis, personnellement, et j'ai bien hâte de t'entendre sur le sujet, Sébastien, qu'on va probablement être dans une récession pas tellement sévère, mild qu’on dit en anglais.

Sébastien : Je suis d'accord avec toi.

Marc : Peut-être qu'aux États-Unis, je laisse la porte ouverte pour un atterrissage en douceur, ce qui est toujours une opération quand même assez risquée et assez délicate, qui demande du doigté, mais qui serait très positive, par contre, pour les profits des compagnies américaines. Et les deux derniers, c'est un petit peu plus de la politique, de la géopolitique et de l'économie emmêlés ensemble. Il y a les élections américaines, on ne s'en sauvera pas, des élections qui sont aussi maintenant fortement polarisées. On a la présidentielle d'un bord, mais aussi, est-ce qu'on va avoir un alignement du côté du Sénat et de la Chambre des représentants? On sait que le Sénat, les démocrates vont avoir fort à faire pour conserver leur majorité, parce que je pense que sur les 32 postes qui vont être en jeu, ils vont en défendre 23. Alors c'est eux qui vont avoir le poids de défendre leur position. Puis on sait que la Chambre des représentants, pour l'instant, les Républicains ont une avance, mais très, très faible. Alors, est-ce que ça va être ça, le gros impact? Parce que c'est ça, finalement, qui a permis en 2016 d'avoir le marché, vraiment se reprendre malgré l'élection de Trump ou, je ne sais pas si je devrais dire « malgré », mais quand Trump a été élu. Et finalement, la Chine, qu'est-ce qui va arriver avec la Chine? Est-ce qu'elle va pouvoir mettre sa maison en ordre? C'est plus compliqué qu'on le pensait. On en a parlé lors du dernier balado, mais ça va être un élément important de l'économie mondiale.

Sébastien : Je suis d'accord avec toi pour la trame de fond. Déjà, le taux de chômage est en hausse au Canada, aux États-Unis. Ce n'est pas nécessairement parce qu'il y a des mises à pied massives, c'est qu'on ne crée pas assez d'emplois pour la croissance de la population, surtout au Canada. On le voit dans toutes les provinces, on est là. Puis le taux de chômage, c'est un indicateur qui est habituellement lié aux récessions, puis nos indicateurs de récession dans le moment donnent quand même des signaux assez convaincants pour 2024. Ça, c'est sur la probabilité d'une récession, ce n'est pas sur la sévérité. Je suis d'accord avec toi, si on a une récession, probablement que c'est une récession qui ne fera pas trop mal. Il y a toujours quand même cette phase-là. Ça, c'est le scénario de base, une récession qui ne fait pas trop mal. Il faut quand même garder l'esprit ouvert que ça peut mieux aller qu'on le pense. Du côté américain, l'année 2023 a été surprenante. Le gouvernement américain continue de gonfler son déficit, il va avoir des choix à faire éventuellement, mais ça peut toujours continuer de supporter l'économie en 2024. Du côté canadien, la croissance démographique demeure forte, puis c'est un vecteur de force de l'économie canadienne qui pourrait rester. Mais il y a quand même toujours cette période-là, historiquement, où, quand on finit de hausser les taux directeurs, puis l'économie résiste, les économistes, les gestionnaires de portefeuilles, les investisseurs disent « Ah, c'est différent cette fois-ci, les choses, on va éviter la récession, on va éviter la volatilité ». Donc, gérer ses risques en 2024, ça risque d'être quelque chose de très important encore comme stratégie. Mais si on regarde les coupures de taux, je pense que oui, en 2024, on s'attend, nous, à ce qu’à peu près toutes les banques centrales des pays développés, les principales qu’on suit, coupent leur taux directeur, peut-être à l'exception du Japon. C'est un petit peu plus difficile à prévoir du côté du Japon. Mais la Banque centrale européenne, on s'attend à ce que ça soit tôt dans l'année. Au Canada, peut-être vers le milieu de l'année ou en début de deuxième moitié. Du côté des États-Unis, on verra. Mais je dirais qu'il va y avoir un bel exercice de communication à faire du côté des banques centrales en 2024 pour ne pas que la coupure du taux directeur vienne créer soit trop d'exubérance ou trop de volatilité inutile dans les marchés.

Ashleay : Puis, si on plonge dans la trame économique, comment est-ce que vous voyez l'année 2024 se dérouler?

Sébastien : Du côté canadien, on est déjà en récession per capita. Du moins, quand on corrige pour la croissance de la population, on est déjà là. Puis l'impact retardé des hausses du taux directeur, typiquement, on en a parlé beaucoup ici dans le balado, c'est 18 à 24 mois pour chacune des décisions. Puis là, on voit que le corps de tout cet impact-là du resserrement de politique monétaire, on devrait le ressentir plus massivement en 2024. Donc, c'est difficile de s'attendre à une année exceptionnelle en termes de croissance. L'économie canadienne pourrait moins bien faire que l'économie américaine dans ce contexte-là. Mais nous, on pense qu'on va annoncer officiellement, éventuellement à l'année 2024, que l'économie canadienne est en récession. Du côté américain, ce n'est pas le scénario de base qu'on va aller là directement, mais je vous dirais que la probabilité est assez forte aussi qu'on y aille en scénario de récession en 2024.

Marc : Effectivement, au Canada, on a eu le troisième trimestre qui était quand même assez clairement négatif, donc un autre trimestre, puis ça risque d'être le quatrième, puis on est officiellement en récession. Puis comment moi, je pense que les choses vont se passer, ça va un peu dans la même lignée que ce que Sébastien dit. Si on peut revenir sur l'Europe, l'Europe, c'est probablement l'endroit où l'inflation, quand tu l'annualises dans les trois derniers mois, est la plus faible. Elle va être la première, effectivement, à couper. Je suis d'accord avec toi, Sébastien, en tout cas, en théorie. Au Canada, je pense que la situation est assez difficile, plus difficile, on commence juste peut-être à le voir. Puis probablement que le per capita, comme tu le dis si bien, encore une fois Sébastien, l'a caché, mais c’est quand même assez enclenché, ça fait que ça ne devrait pas être trop trop long. Dans ces pays-là, dans un premier temps, la récession, on va quand même la sentir, puis on va la sentir au niveau de la consommation, au niveau des profits des compagnies, peut-être. Surtout que, curieusement, le marché boursier puis le marché obligataire nous a donné un beau petit rallye de fin d'année. Peut-être qu'on a comme un peu mangé notre sandwich un peu avant le temps, ce qui fait peut-être que ça va repartir un petit peu plus tranquillement en 2024. On pourra en parler au niveau plus précisément des marchés, mais au niveau économique, d'abord, on sent la récession, puis après, on baisse les taux. Puis si tout se passe bien, on est chanceux, l'inflation continue à diminuer. Puis là, j'espère que je ne suis pas trop avec des lunettes roses, mais ce qui serait très intéressant pour les marchés, on a une reprise synchronisée à travers le monde, où on pourrait avoir les trois blocs, l'Europe, la Chine puis l'Amérique du Nord qui repartent vers une croissance économique accélérée quelque part en 2025.

Sébastien : Puis ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans le moment, les politiques monétaires sont très restrictives. On n’a pas juste un pied sur le frein, on a les deux. Puis le processus qu'on va voir commencer en 2024, puis qui va continuer en 2025, probablement à coups de coupures de 25 points de base progressives, c'est que là, on va être de moins en moins restrictif pour essayer de faire atterrir l'économie sur la piste d'atterrissage sans trop briser de morceaux. C'est ce qu'on s'attend. Donc message aux gens : les taux ont monté très rapidement, mais à moins d'avoir une surprise fort négative au point de vue économique, puis les taux d'intérêt, ce ne sera probablement pas le pire de nos soucis à ce moment-là, il faut s'attendre à ce que ça soit un processus lent, mais il y a beaucoup de chemin à faire avant qu'on puisse dire vraiment qu'on a normalisé la politique monétaire.

Marc : Effectivement, parce que si on s'écoute parler, tout ça semble très optimiste. Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que tout ça sous-tend une condition qui doit absolument se produire, c'est-à-dire que l'inflation doit continuer de ralentir. Et c'était d'ailleurs le message en arrière de la Fed, qui est intervenue à la fin septembre en nous disant « non, les taux vont rester plus élevés plus longtemps, higher for longer », puis c'est important de continuer de voir la rémunération diminuer, les salaires, la rémunération globale des salariés. Parce que si jamais on ne le voit pas, la Fed va être hésitante, vraiment, de se lancer dans une grosse baisse des taux ou va retarder, va vouloir, alors il faut que l’on continue à avoir ça. Et il faut savoir que la rémunération totale qu’on mesure aux États-Unis par l’Employement Cost Index, commence tout juste à baisser. Soit une chose ou l'autre : ça continue ou la productivité vient nous sauver le jour, sauver le jour avec une plus grande productivité. On pense entre autres à ChatGPT, qui pourrait nous aider, au sens large, qui vient nous aider à être plus productifs. Alors il n'y a pas 10 000 façons de s'en sortir. Ça nous prend une inflation plus basse, soit par une rémunération des salariés plus basse ou par un gain de productivité.

Sébastien : Puis c'est un peu plus simple, je trouve, le portrait du côté américain dans ces termes-là. Du côté canadien, la croissance des salaires demeure forte à 5 %. Ça veut dire qu'au début de l'année 2024, le salaire minimum va augmenter d'environ 5 % aussi, ce qui vient soutenir la moyenne, mais généralement, les salaires, c'est ce qui rentre dans la fonction de réaction de la Banque du Canada et des autres banques centrales. Ça a tendance à être prospectif. Les gens demandent des augmentations salariales plus fortes en regardant devant, mais là, on est en train de corriger le manque à gagner du pouvoir d'achat qui a été grugé par l'inflation passée. Et on le voit avec les grèves encore un peu partout au pays. Du côté américain aussi, les travailleurs automobiles. Donc là on est en train de corriger pour tout ça. Est-ce que la Banque du Canada devra pivoter tôt en 2024 pour changer son œil sur les salaires, regarder des facteurs plus prospectifs? Parce que dans le moment, elle a parlé beaucoup des salaires, elle est un peu prise dans un coin. Mais probablement qu'en début 2024, on pourrait avoir un changement de ton des banques centrales. Maintenant, on regarde plutôt ceci. Ça va nous donner une meilleure idée de ce qui s'en vient pour l'année.

Marc : Puis on revient, il va probablement y avoir un séquençage, puis les hausses, on pense au Canada, puis je pense qu'on est d'accord là-dessus, Sébastien, ça va venir un peu plus vite. C'est qu'il ne faut pas oublier qu'au Canada, à cause de la structure de notre marché hypothécaire où nos taux, on les fixe au maximum pour cinq ans, l'effet de la hausse de taux se fait plus sentir plus rapidement, puis de manière beaucoup plus forte au Canada. Aux États-Unis, les gens fixent pour 30 ans. Alors, c'est seulement si tu vends ta maison, tu vas te chercher une nouvelle hypothèque, que tu vas devoir à ce moment-là renégocier à un taux plus élevé. Puis vous savez quoi? Il n’y a pratiquement plus d'activité sur le marché immobilier américain. Tout le monde qui a un bon taux ne veut pas bouger en ce moment. Ça fait que la transmission de la politique monétaire au Canada est beaucoup plus rapide. Puis, c'est quand même, l'hypothèque, c'est un gros morceau, on le sait, de ce qu'on paye tout le monde dans la part de notre budget. Alors au Canada, on va ralentir plus vite, puis on va peut-être avoir droit à des coupures de taux plus rapidement à cause de ça.

Sébastien : En tout cas, du côté canadien versus américain, le facteur démographique qui est si important pour l'économie canadienne vient compliquer les choses pour la Banque du Canada.

Marc : Effectivement, ça nous donne une impression qu'on a encore une croissance. Mais quand on y va, comme tu disais, per capita, ce n'est plus la même chose.

Ashleay : Puis là, on va conclure pour la première partie de ce balado. Marc, tu es beaucoup trop intéressant, il faut qu'on te ramène pour une deuxième partie, assurément. Alors à tous nos auditeurs, restez à l'affût pour la partie deux. Merci, Marc, d'être venu aujourd'hui. Merci, Sébastien, pour ton expertise comme toujours. On espère que vous avez aimé les informations intéressantes qui ont été partagées et que ça vous aide à comprendre un peu mieux les choix difficiles auxquels les gouvernements vont devoir faire face pour maintenir leur économie à flot. Sur ce, on vous dit à la semaine prochaine. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.

À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon et Marc Gagnon

Ce balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.

Cours des actions

2024-04-26 12:55 HAE
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