Automatisation et robotisation : remède miracle ou utopie sociale?

L’automatisation et la robotisation de la production sont enclenchées et semblent avancer à vitesse grand V. On voit dans ce mode de production adapté une solution miracle au vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre, mais est-ce un modèle de société viable? Notre analyste Sébastien Mc Mahon nous présente sa vision.

Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts! de iA Groupe financier dans lequel on discute de l'essentiel de l'actualité économique et de ses impacts sur vos finances en moins de dix minutes. Les répercussions du vieillissement de la population sont bien réelles et on en parle beaucoup. Mon nom est Ashleay. Je suis en compagnie de mon collègue Sébastien Mc Mahon, notre stratège en chef et économiste senior chez iA Groupe financier. Bonjour, Sébastien!

Sébastien : Bonjour, Ashleay.

Ashleay : Alors on parle souvent de vieillissement de la population au Québec. Peux-tu nous brosser un portrait de la situation?

Sébastien : Tout à fait. Regardez, pour me préparer à discuter avec toi de tout ça, le vieillissement de la population, les solutions, je suis allé fouiller dans les publications de l'Institut de la statistique du Québec. En 2021, ils ont préparé un bilan démographique de la province. Et puis il y a quelques chiffres qui font réfléchir. Donc, premièrement, au cours des dix prochaines années, de 2022 jusqu'à 2032, il est estimé que la population âgée de 20 à 64 ans verra une diminution nette. Donc les gens dans la fleur de l'âge, sur qui on compte le plus pour faire la population active, les gens qui sont en âge de travailler, ça va être à la baisse. Aujourd'hui, en date de bien, disons, le rapport a été publié en 2021, donc en date de 2021, au Québec, on voyait que la population âgée de 65 ans et plus, c'était 20,3 % de la population, très exactement, ce qui est au-dessus de la moyenne canadienne, qui est environ à 18,5. On peut se comparer à d'autres pays dans le monde, je dirais au Japon, bien sûr, c'est là que c'est le pire, la situation. Là, c'est 29 % de la population qui a 65 ans et plus, donc qui est de l'âge d'or. Mais quand même, au Québec, on est au-dessus de la moyenne canadienne, donc notre population est plus vieille. Quand on regarde les gens qui sont âgés de moins de 20 ans, au Québec, c'est 20,6 %, ce qui est un petit peu en dessous aussi du Canada. Donc, je vous dirais qu'on a plus de personnes d'âge d’or, et qu'on a moins de jeunes pour venir prendre la relève. Donc, tout ça, ça fait un bilan qui est relativement inquiétant.

Ashleay : Et pourquoi est-ce un problème qui devient économique, finalement, le vieillissement de la population?

Sébastien : Bien, il y a plusieurs raisons. Premièrement, la croissance économique s'explique généralement par deux facteurs : il y a la démographie, donc la croissance de la population. Là, quand on regarde la télévision ou les nouvelles ou quand on entend parler des économistes comme moi qui parlent de croissance du PIB, c'est la croissance de l'économie, puis une population qui augmente, ça fait de la croissance économique. Et puis l'autre morceau, c'est l'innovation. Donc on peut toujours compter sur l'innovation pour venir soutenir la croissance, mais si on perd le moteur important qui est la démographie, ça crée des enjeux. Puis on a besoin de croissance économique pour une raison bien importante, c'est pour payer nos services sociaux. Vous savez, si toute votre vie vous cotisez à la Régie des rentes, vous cotisez à un fonds de pension public, eh bien, cet argent-là n’est pas mis dans un compte pour vous, il sert en ce moment à payer la pension des autres. Puis quand ça va être vous qui êtes une personne âgée, même si vous avez payé toute votre vie, ça va prendre des gens qui vont pouvoir payer les services sociaux pour que vous puissiez bénéficier à votre tour de ces services-là. Puis une bonne statistique pour voir à quel point le modèle est soutenable, on regarde ce qu'on appelle le ratio de dépendance. Le ratio de dépendance, tout ce que c'est, c'est qu'on regarde par 100 personnes âgées de 20 à 64 ans, qui sont dans l'âge de travailler, combien de personnes sont dépendantes, donc qui sont moins de 20 ans ou 65 ans et plus. Puis ce qu'on voit, c'est que dans le moment, au Québec, il y a 68 personnes dépendantes par 100 personnes qui travaillent. Donc on est 100 personnes à travailler, on supporte les bénéfices sociaux, les programmes sociaux de 68 personnes, ce qui est un petit peu plus désavantageux qu'au Canada. Au Canada, c'est 65, donc c'est un petit peu moins pire ailleurs dans le Canada. Mais si on se projette en 2040, des données de l'Institut CIRANO que je suis allé chercher, en 2040, le ratio va passer jusqu'à 83. Donc pour 100 personnes qui travaillent, il y a 83 personnes qui vont être dépendantes, donc ça fait en sorte que nos services sociaux, il va y avoir beaucoup de pression, là.

Ashleay : Je comprends. Et quelles sont les solutions des économistes aux problèmes?

Sébastien : Bien, problèmes de la démographie, bien sûr, la croissance de la population par l'immigration, c'est une clé. Et on voit que quand on regarde les Nations Unies, ils font des prévisions pour tous les pays du G7, puis le Canada est quand même en bonne posture parce que c'est une destination intéressante pour les immigrants. On attire des immigrants qui sont instruits, qui s'intègrent bien dans la population, qui deviennent des Canadiens, qui forment des familles, qui trouvent des emplois. Donc ça, on fait quand même assez bien à ce chapitre-là. Je vous dirais que le Québec pourrait un peu mieux faire, mais ça, c'est peut-être un sujet pour un autre balado, mais une autre solution dont on en entend parler beaucoup, bien, c'est l'automatisation et la robotisation, donc des investissements pour faire en sorte qu'on va pallier le fait qu'un jour on va manquer encore plus de travailleurs qu’aujourd'hui, c'est pas mal la clé.

Ashleay : Et puis là, tu mentionnes l'automatisation et la robotisation. Pourquoi est-ce que c'est une solution aussi populaire?

Sébastien : Parce que pour produire plusieurs choses qui ne nécessitent pas, disons, autant de créativité que certains autres emplois, ou peut-être un peu moins de jugement, des emplois qui sont un peu plus automatiques, on peut les remplacer de plus en plus par la technologie. Donc quand on parle de production de certains biens et services, bien il y a des fois où c'est moins dispendieux même d'investir dans des chaînes automatisées, l'utilisation de logiciels pour soutenir cette production-là. Les capacités des robots, ça ne cesse d'augmenter, donc ça fait en sorte qu'on a des ambitions assez élevées en tant que société pour ce qu'on va pouvoir faire faire à ces robots-là. Mais surtout, la clé, c'est que les biens manufacturés, ça continue, la demande de ces biens manufacturés là, ça continue de croître. Mais ça, on pense à des endroits comme la Chine où il se fait beaucoup, beaucoup de biens manufacturiers, mais on ne sera pas surpris de voir que sur la planète Terre, là, un robot sur trois qui est mis en production est installé en Chine.

Ashleay : C'est très intéressant. Peux-tu donner quelques autres exemples de robotisation, d'automatisation?

Sébastien : Oui, bien dans les robots on pense beaucoup chaîne de montage, on pense à bras qui construit, mettons, comme justement les autos Tesla, on a déjà vu les usines. Si vous ne l'avez pas vu, je vous encourage tous à aller voir sur YouTube, à voir l'usine comment ça fonctionne. Donc c'est très automatisé. Mais là, on commence à avoir une autre tendance qui s'installe, puis encore la compagnie Tesla pour la nommer parce que c'est dans les nouvelles récemment, mais des robots humanoïdes éventuellement qu'on pourrait acheter pour le prix d'un petit véhicule, donc on peut penser aux alentours de 20-30 000 $. Puis on pourrait avoir un robot qui est à la maison et puis qui s'occupe plus ou moins des tâches qu'on voudrait peut-être moins faire, puis permettre aux gens d'aller travailler un peu plus à l'extérieur aussi. Donc il y a beaucoup d'avancées, mais un peu comme d'autres technologies, c'est encore en mode expérimental aujourd'hui.

Ashleay : Je comprends. Et puis, qu'en est-il du marché de l'emploi versus tout ça?

Sébastien : Bien, le marché du travail, c'est un enjeu important, parce qu’une chose qui a été remarquée, puis c'est une étude d’Oxford Economics qu'on regardait, ils ont regardé partout dans le monde l'impact de l'automatisation, de la robotisation sur le marché du travail. Puis ce qu'ils ont réalisé, c'est que les régions où le revenu moyen était plus faible, donc où c'était beaucoup des tâches manuelles automatiques que la population locale effectuait, donc les endroits où qu'on produisait beaucoup de biens manufacturiers, bien, on se rendait compte que l'impact sur l'emploi était le double d'ailleurs, donc il se perdait deux fois plus d'emplois au profit des machines, disons, dans certains de ces endroits-là. Donc, ça fait en sorte que les inégalités sociales pourraient être vues à augmenter. C'est un peu ça le piège. Les gens qui ont des emplois créatifs qui ne peuvent pas être remplacés par des robots, bien, peut-être qu'ils vont être capables d'aller encore mieux tirer leur épingle du jeu dans le marché du travail du futur. Mais des gens qui anciennement faisaient des emplois qui étaient plus répétitifs, et un exemple qui est très intéressant, il ne faut pas oublier qu’on recule à peu près, même pas 100 ans, puis il y avait des gens qui étaient payés pour allumer les lampadaires manuellement à la tombée de la nuit dans la ville. Donc ce sont des genres d'emploi comme ça qui ont été remplacés. Mais aujourd'hui, on dit « c'était évident qu'éventuellement on remplacerait ça ». Mais il y a peut-être des emplois aujourd'hui que dans 100 ans, on va dire, bien, « c'est évident qu'une machine est mieux pour faire ça ». Donc les inégalités sociales pourraient être exacerbées par tout ça.

Ashleay : Je vois. Puis ailleurs dans le monde, il se passe quoi? On a parlé un petit peu de la Chine tout à l'heure.

Sébastien : Oui, il y a plusieurs questions que les gouvernements de la planète se posent. Premièrement, le dividende social qui vient de l'automatisation, puis, pour être bien précis, vous savez, une entreprise, disons une usine qui a plusieurs employés pour produire, s'ils décident de licencier des employés pour remplacer ça par des machines, eh bien n’oubliez pas que les employés payaient de l'impôt sur leur revenu. Donc comment est-ce qu'on impose l'entreprise sur ses profits qui viennent de la machinerie pour s'assurer qu'on paye encore bien les services sociaux? Donc, c'est tout qu’un casse-tête. Puis la deuxième partie, bien sûr, vous savez, s’il y a des robots qui se font installer dans plusieurs usines, où les gens achètent des robots pour faire le gazon puis pour cuisiner à la maison, bien probablement que ça va être quelques multinationales qui vont produire ces machines-là. Donc comment est-ce qu'on peut faire pour bien imposer les bénéfices de la production, de la vente de ces robots-là pour s'assurer d'une redistribution égale de la richesse? Donc ça peut créer tout un casse-tête.

Ashleay : Absolument. Et quelle est la conclusion? La robotisation, est-ce que c'est un modèle de société qui est viable, qui est positif?

Sébastien : Bien oui, je pense que c'est inévitable avec le vieillissement de la population. On a besoin d'utiliser la technologie pour se soutenir au quotidien comme société, une société vieillissante aussi. Il y a des solutions humaines, il y a des solutions économiques qui viennent de là. Mais quand même, il ne faut pas penser qu'installer des robots, ça va être la solution à tout. Il va falloir être créatif en tant que société pour intégrer tout ça correctement.

Ashleay : Effectivement. Alors je te remercie énormément, Sébastien, et je vous invite à partager notre balado si vous aviez apprécié. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.

À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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